Produire Quatre raisons d’y croire
La crise sans précédent par sa longueur, son ampleur et ses dégâts au niveau des exploitations finit par faire oublier que la production laitière est un secteur d’activité promis à de vraies perspectives d’avenir… Notamment en France.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Jamais le secteur laitier n’avait connu une crise d’une telle ampleur. La faute à l’afflux de lait de l’Union européenne, libérée de sa contrainte des quotas, et à une demande mondiale en retrait sous l’effet du recul des achats chinois et de l’embargo russe. La faute aussi à une Europe principale responsable de ce déséquilibre, incapable de réagir assez tôt pour freiner sa collecte.
On ressort de cette crise avec un sentiment de gâchis en songeant à tous ceux qui ne passeront pas le cap, alors qu’il y a un vrai avenir pour le lait dit « standard ». Quatre raisons au moins à cela.
Les fondamentaux de la demande mondiale
Face à un marché européen mâture qui pèse 90 % de l’utilisation de son lait et qui continue de progresser mais à la marge, la stratégie des coopératives de se tourner vers l’exportation sur les pays tiers reste cohérente. Hormis l’Inde et le Brésil, très peu de pays à l’échelle mondiale sont autosuffisants en produits laitiers. Non seulement la plupart des pays asiatiques et africains ne le sont pas, mais la consommation encore faible y est appelée à croître. Cela, comme le prédit la FAO, sous le double effet de la croissance démographique et de la consommation avec l’émergence de classes moyennes au pouvoir d’achat supérieur, dont on sait qu’il va de pair avec la consommation de protéines animales. Faciles d’utilisation (produits fermentés), mais aussi recommandés sur le plan de la santé, les produits laitiers y ont leur carte à jouer. Il y aura certainement des mouvements de « stop and go » de cette demande, à l’instar de ce que l’on a vécu ces trois dernières années avec la Chine. Mais se dessine là une tendance de fond.
Certes, ces pays déficitaires peuvent chercher à développer et développeront leur production. Mais se posera alors à eux la question, souvent limitante, de leurs propres ressources et de leurs coûts de production. Développer une vraie filière laitière est aussi très compliqué (industrie lourde, produit fragile…). Elle exige du temps et beaucoup de moyens financiers. Pour répondre à cette demande, les zones jouissant d’un climat favorable à la production fourragère, de ressources en eau suffisantes et de disponibilités foncières sont l’exception à l’échelle mondiale. On les compte sur les doigts d’une main : l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud, la Nouvelle-Zélande et l’Europe. Et au sein de cette dernière, la France fait des envieux avec son foncier abondant et bon marché.
Les limites de certains de nos concurrents
La production de nos principaux concurrents d’Europe du Nord va continuer de croître. Au même rythme jusqu’en 2020 que sur la période allant de 2008 à 2014, soit + 12 %, prédit l’Institut de l’élevage (+ 9 % à l’échelle de l’Union européenne à 28). Mais parmi ces concurrents redoutables, certains commencent à toucher du doigt leurs limites, à l’instar des Pays-Bas. Si la réglementation sur les phosphates s’applique réellement, les Néerlandais devront réduire leur cheptel de vaches laitières des 100 000 têtes gagnées en 2015, revenir à 1,6 million d’animaux et s’y cantonner. Il leur restera alors comme seule perspective d’accroître la productivité animale. Elle pointe déjà à 8 100 kg de moyenne par vache. Certes, il y a encore de la marge, comparé aux 9 500 kg par vache laitière des Danois, mais ensuite ?
Pour l’Irlande, créditée d’une croissance de 30 % de la collecte à l’horizon 2020, à relativiser avec les moins de 7,6 millions de tonnes qu’elle atteindra (prévisions à 34 Mt pour l’Allemagne, 28 Mt pour la France… 160 Mt pour l’Union européenne à 28), l’Institut révèle son talon d’Achille : les émissions d’ammoniac qui font l’objet d’un plan de réduction européen.
La réhabilitation des matières grasses laitières
Honnies depuis des décennies, les matières grasses animales, les acides gras d’origine laitière (lait entier, beurre, crème, fromage) en particulier, sont en phase de réhabilitation. Témoin, ce marché qui, depuis quelque temps, recherche de la matière grasse laitière désespérément, tirant enfin à la hausse le prix des produits industriels. Fini l’époque où ces matières grasses animales faisaient, par exemple, aux États-Unis l’objet de publicités les dénigrant ouvertement au seul profit des matières grasses d’origine végétale. Beurre et crème sont de nouveau plébiscités par les consommateurs et recherchés par l’industrie agroalimentaire (biscuiteries…). La controverse sur la fiabilité des résultats des études passées sur le lien entre acides gras saturés (présents dans les graisses animales) et maladies cardio-vasculaires est passée par là. Différentes études internationales ont aussi montré que non seulement il ne fallait pas chercher à supprimer les acides gras du lait de l’alimentation, mais qu’ils avaient aussi des effets bénéfiques sur la santé.
Les progrès autour du cracking du lait
Depuis longtemps, on entend parler des perspectives de marché nées du cracking, technologie permettant d’isoler les composants fins du lait (matières grasses, lactose, protéines, minéraux). Elles sont enfin palpables grâce aux progrès récents réalisés dans les techniques de fragmentation et microfiltration, progrès qualifiés de révolution par Jean-Paul Jamet, ex-directeur du Cniel. « On est capable d’isoler des phospholipides ou des protéines du lait, sans dégrader leurs qualités primaires fonctionnelles recherchées par l’industrie agroalimentaire. Comparées à d’autres additifs, ces protéines ont un atout maître côté consommateurs pour ces industriels de l’alimentation, la « naturalité » du lait. »
Jean-Michel VocoretPour accéder à l'ensembles nos offres :